Technique d’ornementation
corporelle revêtant des significations multiples (religieuse, sociale,
guerrière), le tatouage (du mot tahitien tatoo) a été la
première fois mentionné par Cook en 1769. On peut en distinguer
différentes sortes: par piqûre, par le feu, par le fil, par
scarification. Les tatouages avec une aiguille sont les plus employés,
notamment chez les Blancs d’Europe et aux États-Unis, où l’on
recourt à des colorants industriels. Ils consistent essentiellement à
introduire en profondeur dans le derme un colorant indélébile; la
coloration ne peut alors s’éliminer que par desquamation.
On trouve
les tatouages les plus divers et les plus élaborés chez les Blancs et
dans les peuples de race jaune. Dans les
populations traditionnelles, le tatouage a une signification
magico-religieuse; il est lié, par exemple, à un rite de passage ou d’intégration
dans une société, les tatoueurs différant suivant les groupes et
selon l’âge des personnes tatouées. Les plus beaux tatouages ont
été retrouvés sur le visage de chefs maoris ou sur le corps des
indigènes des îles Marquises. Cette marque personnelle inaltérable
intègre et situe le sujet dans son contexte social ou dans le groupe
des individus de son sexe (tatouages d’initiation ou d’identification,
tatouages ethniques, marques de virilité).
Elle peut conférer une
certaine puissance contre les forces néfastes (tatouages magico-religieux, prophylactiques, thérapeutiques). Par son caractère
permanent, elle se distingue des peintures corporelles qui sont
occasionnelles et passagères et qui sont employées dans des
cérémonies d’initiation ou pour marquer le deuil ou la joie.
Dans l’Égypte
pharaonique, le tatouage, associé à des peintures corporelles, semble
avoir été utilisé dans une visée thérapeutique ou prophylactique.
Originellement, il avait une valeur de symbole magique qui s’est
transformée par la suite en simple motif décoratif. Il existe, dans l’Afrique
blanche, un parallèle surprenant entre le tatouage et les motifs
décoratifs des tapis, des bijoux ou des parures. Le premier y est, en
général, pratiqué avec la signification d’un symbole protecteur
contre les mauvais
esprits. Il semble s’expliquer par un besoin de reconnaissance
individuelle et collective, mais surtout par un souci d’établir, à l’aide
de certains signes sur son propre corps, une défense efficace contre
toute puissance maléfique. Le tatouage établit également une
distinction définitive entre deux collectivités ou deux individus : le
tatouage d’identification peut signaler à un groupe quelques
individus possédant un pouvoir magique ou une autorité d’ordre
temporel (chef, sorcier).
Le tatouage d’initiation marque l’accession
à un certain degré de maturité sociale et constitue un élément
essentiel des rites qui accompagnent et sanctionnent cette étape. Le
tatouage magique est pratiqué dans un grand nombre d’ethnies : les
Arabes utilisent le bleu et le vert, symbole de bonheur; la couleur
noire revêt parfois une signification prophylactique contre la mort des
enfants. Dans la péninsule indochinoise (Laos, Vietnam, Cambodge), ce
rite peut être d’inspiration animiste, bouddhiste ou brahmanique.
Dans ce dernier cas, il relève essentiellement de la sorcellerie et
vise à immuniser les individus contre le mauvais sort et les attaques
des fauves ou des serpents. Dans la tradition ancienne, le Bouddha
lui-même portait 32 marques principales et 80 marques secondaires.
Au Canada,
chez les Indiens Thompson, les tatouages éloignent la mort et la
maladie. À Madagascar, les crocodiles tatoués sont censés préserver,
lors du passage des rivières, des attaques des animaux qu’ils
représentent.
Au Japon, les femmes aïnous, qui sont de race blanche et
ont une forte pilosité, se tatouent le pourtour de la bouche pour bien
se distinguer des Japonaises qui sont de race mongole et ont une faible
pilosité. Souvent le tatouage marque les différentes étapes de la vie
d’un individu. En général, il est pratiqué à la puberté ou lors
du mariage. Il a d’ordinaire le sens d’une magie défensive pendant
le premier âge et la jeunesse. En Amérique du Nord, il fait entrer
dans le sujet son esprit gardien; en Polynésie, il assure le passage à
l’état de guerrier, c’est-à-dire d’adulte responsable. À l’occasion
du mariage, il signifie la fidélité et l’amour (chez les Indiens
nord-américains) ou confère un charme permettant un lien plus durable
avec un mari volage.
Le tatouage
ornemental est très répandu : aux îles Marquises, il représentait
d’abord un charme protégeant le guerrier ou le chef, puis se transforma en un
signe de puberté sociale, pour acquérir enfin une simple valeur décorative.
Mais un tel tatouage se réduit rarement à n’avoir qu’une simple valeur de
coquetterie; il garde le reflet de la valeur disparue ou transformée.
Le tatouage ayant régressé dans les civilisations
modernes, il reste néanmoins quelques traces de sa signification de
marquage et de repérage dans celui qu’on pratique dans certaines
corporations, notamment chez les marins, ou dans d’autres armes. |